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la programmation

L’écho des berceuses

hors les murs
Lieu

Salle d’exposition temporaire, Stella Matutina

21 février au 4 avril 2021

Horaires

Du jeudi au dimanche.
Visite libre de 9h30 à 17h30
Médiation de 9h30 à 12h et de 14h à 17h30
Sur réservation pour groupes et scolaires
reservation@fracreunion.fr

Vernissage

Pas de vernissage, conditions sanitaires

Documents à téléchargers

J’investis le Pavillon du FRAC RÉUNION avec une installation constituée de sculptures en céramique, textile, verre, de formes et de motifs, de son et de vidéo, une sorte de cabinet de curiosités, la chambre des merveilles d’une sorcière moderne. Une sorcière qui maitrise la connaissance des simples, de l’alchimie des terres et des couleurs, et qui, telle une Ariane lanceuse d’alerte ou une Pénélope hackeuse, déroule le fil de son réseau sur la toile du web.

J’ai voulu une invitation surréaliste, magique et spirituelle où l’inconscient et l’irrationnel cèdent au spontané, au mystérieux, au sensible. J’ai voulu ré-enchanter des objets merveilleux et des trésors naturalistes. J’ai voulu un musée personnel ouvert à l’étonnement, au trouble et à l’attirance. En m’appuyant sur la psychanalyse jungienne, je détricote les mythes et les contes peuplés d’archétypes et ainsi je partage des connaissances cachées et pourtant millénaires, des secrets liés au féminin sacré. J’invoque les grandes figures féminines Médée, Circé, Eve, Salomé… Il est question de nature, de destinée et de transmission.

Ici, la sculpture naît d’un modelage ou d’un moulage technique. La forme peut aussi surgir d’un souffle dans la pâte de verre ou d’une mise en volume de tissus et de ouate. Le volume devient le catalyseur de mes flash mentaux et de mes syncrétismes noctambules. Une des salles centrales est composée de meubles et vitrines en bois remplis de nombreux objets: outils d’observation de la nature, animaux empaillés ou dans des bocaux, livres …qui dialoguent avec les sculptures d’argile ou de verre. C’est l’atelier, le laboratoire, lieu d’expérience et de création, je l’envisage comme un espace dense et éclectique, drôle et surréaliste où Naturalia rencontre Artificiala, où le populaire devient sacré, la science chimérique, où la magie et la poésie relient les papillons aux étoiles.

Dans cette atelier de magicienne se côtoient des globes célestes et une dent de géant, des graines d’organes, un coeurs de baleine, Un crâne de cyclope, des fioles aux élixirs magiques, des sécrétions minérales, des anomalies Boschiennes, des fruits délicieux, des ex-voto, des insectes d’or et de carbone et bien d’autres curieuses merveilles.

Ici, la terre fusionne avec le verre, la neige est carbonisée, les étoiles tournent comme des poissons dans un bocal, le feu s’est figé, il nous reste à écouter l’écho des berceuses.

 

Alice Aucuit

 

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“Je recompose une petite histoire à partir d’une grande Histoire”…

et elles finissent par résonner

 

 

Alice Aucuit est une artiste plasticienne – céramiste. Elle travaille par corpus – aux titres évocateurs – au sein desquels se rencontrent volumes, images et matières. Maîtrisant le médium céramique, elle associe cette pratique traditionnelle à des techniques de transferts et de reproductions plus contemporaines. Ses sculptures d’argiles sont souvent unies à des objets collectés ou des matériaux recyclés.

Au départ d’impressions, d’une curiosité instinctive et d’un goût pour l’Histoire, Alice Aucuit mène l’enquête, cherche et recoupe des sources, expérimente et opère des liens avant de revenir à la forme, à la matière, à la surface et aux textures contenant et rendant compte de ces articulations.

Je travaille en m’inspirant d’un objet ou d’un lieu, d’un fait divers ou historique, et je recompose une petite histoire à partir de l’Histoire officielle.” dit-elle. “Je détricote les contes et les mythes comme les faits d’actualités pour tisser des histoires anachroniques et syncrétiques que je brode sur la trame de l’Humanité”. De l’intime à l’universel, du sacré au populaire, ces histoires finissent par résonner dans ce qu’elles relèvent d’inconscients collectifs portant sur l’amour, la création, le féminin ou la mort.

Souvent l’artiste se met en condition de production via des temps d’immersion dans un lieu avec lequel ses œuvres entrent en dialogue. Ainsi Archéologie absente (2013) et Parodie (2015) – séries d’œuvres issues d’une résidence au Musée de Villèle, ancien domaine colonial Panon-Desbassayns – traite à la fois de la mémoire du lieu et de la symbolique des objets de sa collection.” Un service à thé fondu portant le nom d’esclaves marrons tristement célèbres en lettres d’or, des trophées humains ou des fusils de braconniers revisités appellent à une forme de réhabilitation d’une histoire encore cachée, « pour ne pas oublier».

Le patrimoine à la fois visible et invisible est aussi en question dans La Part des Anges (2019), une série de productions issues d’une résidence à l’usine Isautier, distillerie familiale d’envergure industrielle créée au 19eme siècle à La Réunion. Mettant en lien la corporation du sucre avec celle de la céramique, l’artiste fait la lumière sur les savoir-faire invisibilisés par les techniques d’industrialisation modernes, comme la transformation des matières premières par le feu, pour en faire d’autres objets. Il s’agit alors de valoriser à la fois ce et ceux qu’on ne voit pas, que ce soit les déchets (bagasse, engrais ou mélasse) ou le travail ouvrier. Le bruit de la Ruche, sculpture aux allures de totem, prend ainsi la forme d’une colonne d’élévation à l’intérieur de laquelle quelque chose se concentre, se distille et s’évapore. L’artiste y intègre les sons de l’usine, grondements de bruits industriels, au-dessus desquels flottent des nuages dépeignant des personnages illustres de l’île, tout en évoquant le delirium tremens.

Pour sa prochaine exposition, Alice Aucuit s’attelle à un nouveau corpus – L’Echo des Berceuses (productions 2020) – dans lequel elle réactive l’idée de cabinet de curiosités. Les mises en scènes d’objets hybrides font écho à celles des muséums d’histoire naturelle et jouent avec les repères, entre naturalia et artificalia. Des formes miniatures, rituelles et chimériques font appel aux figures marquant les mythes et légendes de sorcières et autres femmes archétypales : femmes-louves, femmes-oiseaux ou vénus préhistoriques. Au travers de fioles et de boules de verre, de collections entomologiques, de poupées vaudous et de constellations, de carnets et autres éléments de recherches à la fois scientifiques, poétiques et ésotériques, naissent des œuvres ayant trait aux pratiques du fétichisme, de la magie et de l’alchimie. Une bande son diffuse des voix chuchotant des incantations, mêlées à des chants d’oiseaux, au sein d’une scénographie au ton onirique, rappelant en creux les parts sombres liées aux peurs intimes et collectives, à une forme de mélancolie.

En parallèle, cœurs (série Ker) et ossements (série Bone China) sont des motifs récurrents de son travail, l’artiste y voyant des formes parfaites et évidées d’une anatomie humaine remplie de mystères – contenant cette mémoire du corps et des contes, cathartiques, comme autant de vanités.

Leïla Quillacq

© Documents d’Artistes Réunion, juin 2020

 

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